Suite inexacte en homologie singulière

Jean de Maximy

« Suite inexacte en homologie singulière »

La « Suite inexacte en homologie singulière » (1968-2005) est un monstre d’une race qu’on croyait éteinte : un dessin de 83 mètres, réalisé à l’encre de chine, au fil de quarante ans, et demeuré invisible depuis sa première exposition en 1971 au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Il se chuchotait que l‘œuvre croissait en silence, d’aucuns assuraient que c’était impossible, le dessin étant, disaient-ils, une activité obsolète, improductive : son auteur ne pouvait être qu’une sorte de Pénélope qui défaisait la nuit le travail du jour. Mais depuis que le monstre a refait surface, très officiellement à la Maison Rouge en 2010, le doute n’est plus permis : la « Suite inexacte en homologie singulière » existe et je l’ai rencontré !


Depuis 1968, Jean de Maximy, virtuose du rotring à encre noire, joue au Sphinx ourdissant sa Machine infernale : il dévide, déroule, calcule, médite sur une centaine de feuilles, de même format (50 x 65 cm), s’enchaînant bord à bord. Il tresse, tricote, natte, croise, repasse, du noir au blanc, grise et dégrise, noue et dénoue son dessin linéaire réalisé sans plan préalable, sans intention narrative. En mathématiques, les « suites » sont des séries de chiffres et l’une d’elles est dite « suite exacte en homologie singulière ». Les dessins de Maximy ne requérant aucune exactitude, un ami, théoricien en Physique Nucléaire et de Physique des Particules, lui suggéra ce titre de « suite inexacte en homologie singulière ». Mais il est instructif de constater, in fine, que cette inexactitude raconte bien quelque chose.

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Ce reptile de papier, au début assez abstrait, géométrique, présentant des phases où l’on reconnaît des ambiances « seventies », très psychédéliques, voire « sea, sexe and sun » ou un registre plus cosmique (certains songent à « 2001, l‘Odyssée de l‘espace », il est vrai que Maximy revendique certains procédés cinématographiques, gros plan, champs, contre-champs…travelling)…

 

 

 

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Les forment vivent, évoluent, se métamorphosent sans cesse, créant une musique visuelle, un labyrinthe cinétique que le spectateur enclenche à chaque déambulation. L’ensemble débouche en 2005 sur un retour au paysage, à la nature… conclut par une silhouette humaine.

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Cas unique, œuvre hors-norme, cette Suite prouve l’ambition d’une vie mais aussi la constance, la cohérence d’un artiste singulier, hors marché… Cette chenille optique mérite qu’on lui bâtisse un cocon approprié pour qu’elle puisse être exposée dans son entier.

En attendant, la Patagonie étant une terre de légende, son Musée Imaginaire est heureux d’héberger quelques tronçons de cette chimère plastique devenue réalité*….

Christine Sourgins

* Jean de Maximy a édité en 2012 l’intégralité de sa Suite, à La Manufacture du Livre ; textes de Pierre Gaudibert, Laurent Danchin, Francis Parent.

Publié dans Chronique, de Maximy, Salle Pigafetta