Eaux-fortes

« Sous la canopée »

« Sous la canopée »

Les gravures de Solberg sont peuplées de rongeurs qui furètent, de hérons le bec en pointe, d’hermines enfarinées qui dérangent les fourrés à belles dents, tout un monde frétille, matérialisant les gestes du graveur qui incise, griffe, ronge le métal. Solberg grignote sa plaque de cuivre avec un entêtement de musaraigne, ses outils ont la diligence des trotte-menus qui s’agitent sous la feuillée.

Ici, la terre est encore un jardin, un Eden de lianes et de lignes, mais le dessin est fouillé sans fouillis. Les herbes ont le coupant des barbelures, l’enjouement des ronces ; Hector Guimard, l’auteur des bouches de métro 1900, en mangerait son chapeau, vert de jalousie.


« Isabelle déploie ses ailes »

« Isabelle déploie ses ailes »

Il arrive qu’héros passager, échassier, pauvre lérot ou papillon du soir, s’encadre au centre de la végétation. Il oppose le soyeux de son pelage ou l’ordonnance de ses ailes au charivari qui l’entoure. Je sais une Isabelle qui se pavane sur un jonc, avec la grâce des gentes dames promenant leur henin devant les mille fleurs des tapisseries médiévales.

Est-ce l’odeur de l’encre ? On imagine sans peine ces territoires sauvages exaler des parfums de tubéreuses. Il y transpire quelques bruits : comment voir une gravure de Solberg sans ouïr le générique de « La vie des animaux », émission phare de la télé des années 60.

A l’écran s’égrenaient les notes de Les Baxter, musique lounge, exotique, hypnotique, ponctuée de cris d’animaux : enfant, il était impossible d’entendre ce « quiet village » sans avoir « la chair de poule » tandis que sur cette bande annonce nocturne clignotaient d’inquiétantes paires d’yeux…


On y voyait défiler les dessins stylisés de hiboux, tatous et marabouts…en blanc sur fond noir comme dans ces gravures dites « givrées » qu’affectionne Solberg, dont l’une est justement titrée « L’oreille éclatée ».

« L'oreille éclatée »

L’oreille éclatée »

« L'oreille éclatée »

L’oreille éclatée »

Or justement, dans le monde de Solberg, il y a toujours un œil qui lorgne ou qui pleure, mais plutôt qu’une larme, perle une goutte de rosée ; plutôt qu’un ourlet de cils, c’est un battement d’étamines qui tremblent. Dans les fleurs s’allument des prunelles et la nature, qui palpite de tous ces cœurs, nous regarde par ces yeux innombrables.

Christine Sourgins

Publié dans Chronique, Salle Pigafetta, Solberg