La peinture bannie de la FIAC

« L’imposture de l’art contemporain, une utopie financière »

Ce dernier livre d’Aude de Kerros paru en novembre 2015 aux éditions Eyrolles, évoque, page 160, la disparition organisée de la peinture dans les grandes foires internationales en 1992 :

« A cette date, trois grandes galeries européennes défendaient encore la peinture : une galerie italienne et deux galeries françaises. Elles avaient toujours été présentes à la Fiac depuis sa création en 1974. La galerie Alain Blondel et la galerie Claude Bernard étaient considérées comme les meilleures galeries de peintures à Paris, elles rayonnaient au-delà des frontières. Leur indépendance, leur connaissance approfondie de tout le XXème siècle leur permettaient d’avoir une perspective longue en matière d’art, de faire référence. Chaque année tout ce qu’elles présentaient trouvait acquéreur. Elles furent exclues sans explication et sans préavis. La stratégie de la Fiac et d’autres foires était de rendre la peinture invisible et d’empêcher le public de comparer en un même lieu art et AC. Tout au long des années 80, AC et peinture s’étaient fait concurrence sur un marché très spéculatif. Au lendemain du Krach boursier et de la baisse du marché de l’art survenus en 1990, il fallait sauver l’AC en sacrifiant l’art»

Alain Blondel dénonce alors dans un tract une « inquisition sournoise » qui bride toute velléité d’indépendance et punit la « non-conformité » des choix. Pour découvrir ce document d’époque cliquer.

La galerie affronte un dogmatisme défini selon « des critères d’autant plus intransigeants qu’ils ne sont pas avouables ». Mais il suffit de regarder qui est exclu, (la galerie Blondel ne fut pas la seule ostracisée) pour en déduire que l’interdit porte sur la volonté de « représenter la nature et la Figure humaine autrement que derrière l’alibi de la souffrance, de la dérision, et de la citation au second degré. La « déconstruction est l’ordre du jour », ainsi qu’ »un art du discours sur l’art » qui s’adresse « moins aux sens qu’au froid concept ». Art pictural contre art conceptuel : le choix devient exclusif, puisque les conceptuels voulant accaparer le « Grand fromage culturel »sic. Toute aspiration au pluralisme est dès lors « suspecte » car elle menace leur Opa sur l’art. Paradoxalement c’est le public de la Fiac qui, en refluant vers le stand de la galerie Blondel, « enclos préservé au milieu d’un paysage dévasté » l’a désignée aux censeurs de l’Art officiel.
« C’est en France que la situation est la plus crispée », il y règne dès 1992 un « arrogant art officiel », international, où les marchandises labellisées circulent selon une « pesante organisation soutenue et alimentée par l’énorme appareil de la culture d’Etat » qualifiée plus loin de « service de la propagande aux arts plastiques ». L’exception française est avérée, elle continue, hélas.
Ce système qui promeut un art moribond, en état de survie artificielle, semble logiquement condamné ; « les plaisirs de l’autodestruction ayant fatalement une fin ». A-t-on a jamais vu un art officiel durer si longtemps ? se demandait en 1992 Alain Blondel. Vingt trois ans après nous savons que la réponse est « oui ».
La galerie Alain Blondel, fondée en 1978, a fermé en décembre 2014.

Cap Aristée

interview d’Aude de KERROS par Jack MOYAL https://www.youtube.com/watch?v=oxCulpPrfGc

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