La Patagonie dans l’imaginaire

Jean Raspail

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Jean Raspail, dans les années 50, explora la Patagonie, en tira un livre «Le Jeu du Roi » où il imagine un successeur à Orélie-Antoine de Tounens ; en 1981, il publie un roman « Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie ». Des lecteurs se prirent au jeu, le courrier fut tel que l’écrivain décida d’ouvrir chez lui, en Provence, un consulat général de Patagonie. « Le drapeau bleu, blanc, vert d’Antoine de Tounens flotte à mon balcon. Je ne saurais plus m’en passer. Dans un temps dépourvu de symboles, je le considère, déployé au mistral, avec tendresse, avec ironie, avec fierté, avec mélancolie, et c’est être exactement patagon que de s’accommoder ensemble de ces quatre sentiments-là.»

Le Figaro, 6 nov 1981, J. Raspail, « Moi, Consul Général de Patagonie ».

Jean Raspail a inventé une manière subtile d’être patagon : la Patagonie devient ce que l’on pourrait appeler, par oxymore, un « jeu sérieux ».

Depuis, le Royaume de Patagonie apparaît régulièrement en des œuvres littéraires ou théâtrales. Ainsi, une pièce mise en scène par Michèle Venard et créée au Théâtre de la Gare à Paris donna de l’aventure d’Orélie de Tounens une vision différente de celle de Raspail.

Le Roi de Patagonie ou Antoine Cousu d’enfant

de Michèle Venard et Jean-Michel Guillery
jouée de décembre 1985 à février 1986
Théâtre du Quai de la Gare Paris

« Une formidable fable sur le pouvoir : théâtral, Antoine de Tounens l’est par ce qu’a sa folie de grandiloquente et d’irréelle; enfantin, par ce qu’elle a de puéril et de naïf. Tour à tour inspiré et arrogant, démuni et déchiré, ce faux et vrai Roi a l’hystérie shakespearienne (…) Habité, il parle de sa terre comme d’un Royaume; un royaume dont il n’est pas bien sûr qu’il soit de ce monde.
C’est sa puérilité de se rêver christique, puérilité que Michèle Venard a inscrite dans la pièce sous les traits d’un double-enfant d’Antoine de Tounen (…). Il est l’enfance en lui de de Tounens. L’enfance du monde aussi, sur lequel il prémédite de régner; sans doute encore (mais ce serait une clé explicative superflue), l’origine; l’archangélique pouvoir du monde d’avant la Faute. De Tounens paraît rêver d’un pouvoir antérieur au péché, comme si ce n’était pas, dans les termes mêmes du christianisme, un contre sens ».(Extrait de la critique de Michel Surya )
Le Roi de Patagonie ou Antoine Cousu d’enfant

Le Roi de Patagonie ou Antoine Cousu d’enfant

Avec : Christian Fischer-Naudin, Roch Lebovici, Dominique Péju, Michel Poujade, Freddy Rojas, Jean-Claude Tiercelet
Éclairages : Stéphane Cami – Création musicale : Marcel Weiss

 Autre critique, celle d’Hélène de Beauvoir :

« Arrivée à l’adresse indiquée, j’ai trouvé un local qui ne ressemblait que de très loin à un théâtre. Il y avait beaucoup de terre et des bancs en bois en gradins. Et puis, tout à coup, la magie a opéré. J’étais en Patagonie et je suis entrée dans la folie D’Antoine de Tounens qui fut roi quatre jours. Ce qui aurait pu être un conte baroque avec des décors pittoresques est devenu, grâce à la mise en scène dépouillée de Michèle Venard et au jeu des acteurs, une quête de l’absolu. Elle a exprimé en contrepoint les rêves de l’enfant et ceux de l’adulte. Une remarquable utilisation de l’espace et des lumières lui permet, avec peu d’éléments scéniques : terre, feu, poutres de bois, de recréer des paysages. De même un seul Indien représente toute une tribu.Christian Fischer-Naudin donne à Antoine de Tounens une dimension tragique et poétique. On n’a pas une minute envie de rire de ce paysan qui voulut être roi. Il voulut aussi le bonheur des Indiens. Ceux-ci ont disparu et leur roi éphémère est mort, misérable dans un asile. Il fut victime d’une folle entreprise.

Mais n’y a-t-il pas folie aussi dans toute création artistique? Michèle Venard artiste pourra dire comme Antoine de Tounens :« J’ai vu ce que je voulais être et je l’ai été »


Mondial-oubliéEn 2014 , la « Patagonie »est le théâtre du documentaire « La coupe du monde disparue » diffusé sur Canal Plus , cf l’article de Basile de Koch :

 

« En 1942, une Coupe du monde de football a été organisée… en Patagonie. Tel est le point de départ de la Coupe du monde disparue, film italo-argentin diffusé par Canal Plus à l’occasion du Mondial 2014. Pas besoin d’être expert en ballon rond pour s’en rendre compte assez vite : il s’agit là d’un “documenteur”. Les deux réalisateurs, eux-mêmes fans de foot, ont truffé de détails plus vrais que nature une histoire accumulant par ailleurs les invraisemblances. (…)Le “plus” de ce vrai-faux documentaire, c’est son savoureux cocktail d’absurde et de réalisme, avec des zestes de parodie partout. Plus l’histoire qui nous est contée s’enfonce dans l’invraisemblance, plus la forme se fait rigoureuse… »

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